Les îles Canaries
Voyage botanique à Tenerife, Gomera et La Palma, trois îles occidentales de l’archipel canarien, du 23 avril au 20 mai.
6 participants.
Ce voyage, ce qui peut paraître aberrant pour certains, a été effectué en voiture et en bateau. Mais cela permit, tout au cours du « périple », de faire quelques incursions tant en Espagne qu’au Portugal, aussi bien à l’aller qu’au retour. Le compte rendu du parcours dans ces deux pays ne sera pas relaté afin de ne pas trop alourdir le texte. Voici.
Tenerife, lundi 27 avril
Quatre jours après notre départ, nous débarquons à 8 heures du matin à Santa-Cruz. Après quelques achats de livres botaniques, en route pour Puerto et pour le jardin de La Orotava. Toutefois avant la visite de celui-ci, nous allons retenir un hôtel à proximité, hôtel à la vaste terrasse où s’épanouissent plantes exotiques et Limoniums indigènes plus ou moins disparus dans la nature. Puis enfin, visite du jardin botanique créé en 1788 dans le but d’acclimater des espèces tropicales du monde, afin de les introduire dans les jardins de Madrid et d’Aranjuez. Quelques-unes de ces espèces seront représentées. La visite terminée, quatre d’entre nous vont se rendre à Agua Garcia puis reviendront sur Tacoronte pour poursuivre jusqu’à la Punta del Hidalgo. Le ravin d’Agua Garcia est connu pour l’abondance d’Ilex platiphylla, un des deux houx endémiques des Canaries. Aux abords du ravin, croît Sonchus acaulis pouvant atteindre 3 m de haut, ainsi que Senecio (= pericallis) tussilagensis. Merveille ! Sous des feuilles glauques et triangulaires et hastées, deux ou trois taches de vermillon : il s’agit bien de Canarina canariensis. Vers un autre ravin, voici l’amarantacée Achyranthes aspera d’origine tropicale, et puis Ageratina adenophora, peste mexicaine semblable à nos eupatoires mais à fleurs blanches. Retour à Tacoronte afin d’atteindre en longeant la mer, la Punta del Hidalgo. Bientôt arrivés, voici sur notre droite une barre rocheuse, derniers contreforts des Monts Anaga. L’Euphorbia canariensis, succulente de 2 à 3 m de haut et au latex dangereux, colonise seule, les pentes arides. On la trouve, fréquente aussi dans les autres îles occidentales ainsi qu’à la Grande Canarie. Puis nous arrivons au bout du monde, au bord de l’océan. Là, outre les euphorbes, croît aussi Rumex lunaria, d’ailleurs inféodé à ces communautés. Sur le chemin du retour nous notons encore, non loin de la mer, un curieux séneçon charnu, nommé Kleinia neriifolia. Outre cette curieuse astéracée, en voici une autre plus conforme à ce que nous connaissons, Sonchus (=Taeckholmia) leptocephalus. Dans les parages s’étendent des tapis de la poacée tropicale, Pennisetum setaceum. Mais il se fait tard, alors retour sans arrêts.
Mardi 28 avril, les monts Anaga, entrevus hier, sont au programme de ce jour. Soudain nous voici, après le grand ciel bleu, roulant tous feux éclairés, dans le brouillard. Et pourtant nous savions qu’en étaient responsables les alizés, et que sans eux, la laurisylve que nous désirons tant explorer, n’existerait pas. A la Grande Canarie, cette formation forestière ne représente plus qu’1% de la superficie de l’île. Fort heureusement, elle a été mieux préservée à Tenerife… Il s’agit d’une forêt au biotope original, composée essentiellement de lauriers au sens large du terme, mais ressemblant tous, plus ou moins au laurier sauce. On ne peut à cette époque de floraison passée, que distinguer très difficilement les différents arbres les uns des autres. C’est pourquoi le botaniste Ceballos s’est appliqué à décrire le milieu de chaque espèce : mais difficile identification cependant. On rencontrera beaucoup de taxons arbustifs et herbacés fréquentant les sous-bois. Tant les taxons cités seront nombreux, on comprend aisément qu’on ne peut les décrire. Toutefois, dans la mesure du possible, ils seront représentés. Commençons donc le compte rendu de l’excursion dans la laurisylve.
1er arrêt motivé par la présence de Ranunculus cortusifolius, seule renonculacée endémique des Canaries. A côté, prospère Sonchus congestus. Ces deux espèces sont à l’abri d’Erica arborea pouvant atteindre ici 15 m de haut.
2e arrêt pour la visite à Cruz del Carmen, du musée sur la laurisylve. Ensuite, au dehors, malgré le brouillard, herborisation qui donne : Viburnum tinus subsp rigidus et Davallia canariensis. A quelques dizaines de mètres du musée nous nous trouvons bientôt plongés en plein fayal-brézal, nom donné à une formation végétale constituée de Myrica faya et d’Erica arborea. Nous y suivons un étroit sentier bordé de chaque côté d’Adenocarpus foliolosus accompagné d’Hypericum glandulosum.
3e arrêt au mirador du Pico del Ingles, d’où à cause du brouillard, on ne voit pas à deux pas devant soi.
4e arrêt pour une belle plante surnommée « reine de la montagne », la gentianacée Ixanthus viscosus. Dans ses parages, belles plaques de Bituminaria bituminosa et d’Echium plantagineum.
5e arrêt pour photographier Geranium canariense, belle endémique canarienne.
6e arrêt devant une falaise entièrement tapissée d’Aeoniums. Fascinante vision que celle de ces sortes de gigantesques joubarbes ! Celles-ci, Aeonium cuneatum, endémiques de Ténérife, atteignent 1 m de haut. En face de la falaise, parmi des rochers, voici le bel Isoplexis canariensis, autrefois classé dans le genre Digitalis. Cette plante fréquente les trois îles mises à notre programme. Là encore nous notons Cedronella canariensis et Sideritis macrostachys.
7e arrêt tout près d’une maisonnette où nous apercevons Aeonium ciliatum, ne fréquentant que Tenerife et La Palma. Non loin de ces Aeoniums nous observons de curieux arbustes nommés Bencaumia caudata, plantes macaronésiennes dont les plus proches parents croissent en Amérique du Sud.
8e arrêt pour le pique-nique. Une mini-herborisation effectuée alentour nous livrera Lotus glaucus var. dumetorum du sud d’Anaga ainsi que de nouveau Canarina canariensis.
9e arrêt pour l’astéracée arbustive Gonospermum fruticosum.
10e arrêt qui nous permet de voir bien des plantes parmi lesquelles nous retenons Aichryson laxum crassulacée voisine du genre Sedum, puis, découverts un peu plus haut, de nouveaux millepertuis, Hypericum grandiflorum, Erica scoparia subsp platycodon et l’endémique Teline canariensis les accompagnant. Un petit arbrisseau reçoit le nom de Lobularia canariensis. Puis dans une fissure de rochers, découverte de la curieuse fougère, Adiantum reniforme.
11e arrêt, à la sortie d’un tunnel pour la grande et légère brassicacée, Crambe strigosa se détachant sur fond d‘Opuntia tomentosa.
12e arrêt : photographie d’Aeonium cuneatum , ce que nous n’avions pu faire antérieurement.
13e arrêt pour jouir du paysage, bien dégagé maintenant. A nos pieds le lierre déjà vu.
14e arrêt, cette fois sur la côte où nous notons Launaea arborescens. Parmi la caillasse, deux apiacées : Astydamia latifolia et le bien connu Crithmum maritimum. Accompagnant ces deux plantes, voici un statice, Limonium pectinatum. Sur des talus pentus, se fane Lavandula buchii.
15e arrêt dans un café restaurant qu’un ami de Gérard lui avait recommandé. De plus un camping s’y trouvait à proximité… mais les camping-cars n’y étaient pas admis… Donc retour tous ensemble.
16e et dernier arrêt dans la formation végétale appelée « tabaibal », zone xérophytique de basse altitude où prédominent des plantes succulentes. C’est le jour et la nuit par rapport à l’humide et sombre laurisylve. Nous y notons Euphorbia canariensis déjà vue et Euphorbia broussonetii, Monanthes brachycaulon, Artemisia thuscula (= canariensis), Schinus molle, Plocama pendula, etc.
Sur le chemin du retour, par trois fois, nous apercevons Echium leucophaeum. Et nous voici à San Andrés… bientôt nous serons au bercail. Les trop nombreux arrêts, fort intéressants sans aucun doute, n’ont pas permis l’exécution d’un programme de toute façon trop ambitieux. Mais comme cela a été souvent dit, ce n’est, il est vrai, qu’un fil conducteur.
Views: 58