Jeudi 14 et vendredi 15 décembre
Nous quittons aujourd’hui, jeudi 14 décembre, Stellenbosch et sa Guest House de Bonne Espérance pour Citrusdal où nous devons ce soir prendre pension. Nous roulons de ce fait sur une jolie route serpentant dans les Monts du Drakenstein où le paysage est vraiment très beau. Ayant bien entendu exprimé le désir de nous arrêter, Alain gare la voiture dès qu’il le peut. Françoise et Gérard vont alors voir des bruyères dans un lieu fort embroussaillé. Or ces Erica, au nom d’espèce de multiumbellifera, ornaient les bords de route presque jusque là. Quant à moi tout en me contentant de longer la voie, je découvre cependant bien d’autres plantes. Outre des aizoacées roses à nombreux capitules assez serrés, j’ai le plaisir de voir pour la première fois en Afrique du Sud, une ornithogale blanche, Ornithogalum fimbrimarginata et un glaïeul à tépales sinueux d’un blanc cassé de jaune, Gladiolus undulatus. Une astéracée arbustive, à grosses têtes dorées qui s’épanouissent à la cime de rameaux à feuilles semblables à des aiguilles de pin, est Euryops abrotanifolius. Puis avec Françoise et Gérard qui m’ont rejointe, nous tombons en extase devant un fourré où croissent en mélange des plantes vertes à beau feuillage ; sans fleurs apparentes ni les unes ni les autres, nous ne pouvons nommer qu’Elegia capensis et Blechnum attenuatum. Dans un lieu humide toujours en bord de route, nous avons la joie de découvrir la belle et grande Drosera, ici à fleurs roses, Drosera cistifolia ainsi qu’une utriculaire aux fleurs d’un blanc rosé, tachée de jaune à la gorge, Utricularia bisquamata et enfin une plante jonciforme à fleur dorée semblable à celle d’une alismacée. Et nous ne quitterons pas Bain’s Kloof sans avoir revu Peucedanum galbanum et aperçu Crassula rupestris en tout début de floraison. Hélas, déjà départ de ce site merveilleux et prolifique où nous aurions pu passer deux à trois heures au lieu d’une demie ! A la descente du col nous apercevons des ouvriers en train de brûler des Port-Jackson, espèce indésirable… Après une nouvelle grimpée, nous voici au col de Michel, célèbre d’après Alain, pour sa douane historique transformée en café-restaurant et où, nous dit-il, nous devons rester au moins trente minutes à consommer… Françoise et Gérard, ainsi que moi-même, préférons nous reposer puis essayer de découvrir quelques espèces inconnues de nous. Pour ainsi dire, rien, si ce n’est une seule et unique plante que nous ne pouvons identifier et que nous ne reverrons plus jamais.
Enfin, nous repartons pour nous arrêter guère plus loin, à la Réserve Nationale du Fynbos. Nous avons peine à imaginer qu’ici nous sommes à deux pas de la plaine si fertile de Cérès, car là dans la réserve, tout semble aride, désertique, brûlé par le soleil. En définitive, seuls Gérard et moi, accomplissons tout de même un petit tour dans la partie aménagée en jardin botanique . Et que voyons-nous ? Un arbuste à fleurs jaunes, sans nom, une aizoacée à fleurs roses toujours pas étiquetée, un haut séneçon à feuilles grandes et cuivrées, une magnifique Protea repens et une non moins magnifique bruyère à fleurs roses mais blanches à leur base, Erica versicolor. Ensuite, pendant que le gros de la troupe s’en va déjeuner dans un bel hôtel pavillonnaire installé dans un parc magnifique, Odile et moi allons pique-niquer dans un immense et beau jardin public ombragé de chênes centenaires et fleuri d’hortensias. C’est une métisse, au nom juif de Sharon, nous dit-elle, qui nous a fait connaître ce lieu de rêve, et nous la remercions bien chaleureusement. Le pique-niques terminé, nous allons attendre nos compagnons près de la piscine de l’hôtel où ils ne tardent pas d’arriver. Nous quittons alors les faubourgs de Cérès, et bientôt parvenus à un col à 480 mètres, nous marquons un court arrêt afin d’aller jeter un coup d’œil à l’étrange kaléidoscope qui s’étend à nos pieds : innombrables parcelles de différentes nuances de vert, d’ocre et de bleu. C’est la fameuse et riche plaine de Cérès. Mais que serait-elle sans les nombreuses retenues d’eau ? Nous-même, un peu plus tard, traversons une région où alternent cultures bien irriguées et zones très arides. Puis, absolument sauvage, le paysage est d’une beauté à couper le souffle. Mais croiriez-vous qu’on s’arrêterait pour en jouir et herboriser quelque peu ? Que nenni. Presque arrivés à Citrusdal, si, nous nous arrêtons, alors que plus rien n’est à voir, si ce n’est… une énorme sauterelle à tête et pattes rouges… et une Crassula à fleurs en boutons jaunes, Crassula fascicularis. C’est bien peu en comparaison des merveilles que nous aurions pu admirer. A 16 h 30 nous arrivons dans la chambre d’hôtel de Citrusdal d’où nous ne sortirons qu’à 20 heures pour le repas.
Vendredi 15 décembre, après une incartade entre Gérard et Alain notre chauffeur, à cause de la demi-journée perdue d’hier après-midi, nous démarrons. Nous roulons désormais sur une piste, dans un paysage pittoresque, moins attrayant toutefois que celui de la veille. Partout des croupes arrondies remplacent les sommets élancés aperçus hier. Cependant la fabacée vue depuis la voiture près de Citrusdal, est omniprésente aujourd’hui en ces parages et, déterminée, porte le nom de Wiborgia monoptera. Actuellement nous traversons l’Olifant, seul fleuve d’Afrique du Sud, paraît-il, se jetant dans l’Océan Atlantique. Olifant, on le devine aisément, est le nom d’éléphant en langage afrikaans. Ces sympathiques pachydermes venaient en effet s’y désaltérer, entre autres ici, avant que l’homme blanc ne les ait exterminés. Les rives du fleuve sont de notre côté, bordées d’Euphorbia mauritanica. Partout les pentes douces sont ponctuées de rochers aux formes curieuses. Nous pourrons aujourd’hui photographier l’un d’eux, rappelant une courte cheminée des fées. Sur le barrage, érigé plus loin, s’ébattent de nombreuses oies d’Egypte. Là, devant nous, un daman traverse la piste. Parfois apparaissent quelques faux baobabs appelés pierres à savon ; des orangers prospèrent dans le veld défriché et de-ci, de-là, s’étendent de vastes champs de blé. Toujours, alternance de cultures et d’espaces vierges et arides. Bientôt à un embranchement nous prenons la direction de Clanwilliam où tout près se trouve un jardin botanique dont le nom est Ramskop Wild Flowers. S’étendant sur 7,5 ha, il paraît de prime abord, attirant. La barrière franchie, Alain se gare sur le parking où nous accueille une famille d’œdicnèmes. Et nous voici pied à terre. Généreusement contrairement à ses habitudes, Alain nous octroie 1 h 15 min. Il ira pendant ce temps déposer bagages à l’hôtel et remorque dans le terrain de celui-ci. Un si grand laps de temps alors que la visite du jardin sera bien vite faite malgré sa grande superficie ! En effet, celui-ci, mal entretenu, ne mentionne aucun nom et de plus est déjà tout desséché ! En définitive, seules Françoise et moi faisons un tour dans le jardin. Nous n’y notons que la présence d’une petite fleur mauve, Wahlenbergia paniculata, d’une chénopodiacée à fruits jaunes, Monoclamis albicans, d’une sauge, Salvia chamelaeagnea et d’une jolie astéracée aux capitules d’or, Arctotis revoluta. A midi après avoir attendu plus d’une demi-heure sous une pergola ombragée nous préservant du torride vent du nord tout droit venu du désert du Kalahari, nous rejoignons Alain, enfin de retour. J’apprends, surprise et dépitée, un changement de programme pour lequel, cette fois, Gérard est bien d’accord avec Alain. Ce dernier vante alors les avantages du lieu où il prévoit de nous emmener, Lambert’s Bay. Là, fraîche brise en provenance de l’océan tempéré par le courant froid du Benguala, dégustation de très bon poisson et même de langouste etc… Tout le monde étant d’accord, je ne peux que suivre le mouvement. Alors adieu au magique Cederberg, aux étonnantes gravures rupestres des San, au cèdre du Cederberg, Widdringtonia cedarbergensis et aux paysages parmi les plus beaux du Cap !
Et nous voici peu de temps après notre départ, arrivés à bon port. Alain, satisfait, nous laisse près d’un restaurant, où dit-il nous serons bien servis. Mais l’endroit est moche au possible ! Odile et moi le quittons au plus vite et partons à la recherche d’un coin agréable pour le pique-niques. En voici un où tables et bancs sont installés à l’ombre de palmiers. Et par souci d’hygiène, de nombreux robinets d’eau s’érigent à une quarantaine de centimètres du sol. Devant nous, l’immense plage de sable blanc bordant la baie. L’en-cas terminé, je m’en vais seule sur la plage afin d’y photographier trois plantes : l’une est une astéracée Arthoteca populifolia, l’autre Mesembryanthemum crystallinum et la dernière une poacée proche d’Agropyron distichum. A 15 h 30, comme convenu, je retrouve Odile qui m’apprend que sur Bird Island se trouve une réserve ornithologique importante qu’on peut atteindre à pied grâce à une digue d’une centaine de mètres de longueur. Cette réserve sert de lieu de reproduction à diverses espèces d’oiseaux tels que cormorans, manchots, goélands, fous du Cap etc. Actuellement, ces fous à tête crème, alors que ceux de Bassan l’ont blanche, s’entassent par milliers, serrés les uns contre les autres, tout en occupant la majeure partie de l’île. Ceux-ci vus, je m’en vais à l’opposé où se trouve un nouveau bâtiment. Là une jeune noire, très gracieuse, entreprend de me faire visiter les installations non encore terminées et qui ne le seront que l’an prochain. Peu après nous voici sur le chemin du retour où nous aurons droit à deux arrêts. Le premier de quelques 3 minutes nous permet de photographier un champ de rooibos, ce qui en afrikaans signifie buisson rouge. Il s’agit d’une fabacée tout à fait semblable à notre genêt à balai mais à fleurs écarlates. Des esclaves malais avaient découvert qu’on pouvait l’utiliser en infusions mais il ne fut commercialisé qu’à partir des années trente, grâce à un immigré russe. Le deuxième arrêt a lieu dans une région arbustive plutôt sèche. Seuls Gérard et moi sommes tentés d’explorer ce biotope inhabituel. Et pourtant que d’espèces nouvelles que nous n’aurons pas le loisir d’observer. Voici, malgré tout le résultat de nos courtes investigations. Tout d’abord, une fabacée buissonnante appelée par Gérard Rafnia amplexicaulis. Presque toutes les autres plantes sont elles aussi essentiellement arbustives, souvent épineuses et portant de minuscules feuilles afin de pourvoir au manque d’eau. Gérard nomme encore Metalasia fastigiata, aux inflorescences en bouquets roses et serrés, perchées au sommet de hautes tiges pourvues d’un manchon de longues aiguilles parmi lesquelles émergent à intervalles réguliers, de plus grandes encore. Puis voici un arbrisseau d’une cinquantaine de centimètres de haut portant tiges érigées et étalées en mélange, à feuilles en courtes aiguilles et à fleurs en têtes blanches : c’est Stoebe capitata. Une astéracée à tiges noueuses et charnues ne sera pas déterminée. Quant à la protéacée que nous avons le plaisir de voir, il se pourrait bien que ce soit tout bonnement Protea nitida avant éclosion des fleurs. Une autre plante formée de minces rameaux brisés portant quelques baies rouges et fripées est une Ephedra dont nous n’avons pas le temps de rechercher le nom d’espèce. Nous voyons encore un arbrisseau ne portant plus, de-ci, de-là, que quelques fleurs aux pièces de même longueur disposées en croix : Gnidia, Struthiola ? Non identifiée sur place vu le manque de temps, il sera difficile voire impossible de le faire sur cliché médiocre. Enfin après avoir encore photographié une termitière de belle taille, nous rejoignons le reste du groupe serré sous l’ombre parcimonieuse d’un arbre, sans doute planté. Arrivés à Clanwilliam vers 18 heures, il ne nous reste plus qu’à gagner nos chambres en attendant l’heure du repas.
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